L’exposition

Retrouvez ici l’exposition « L’eau, richesse de Caromb », réalisée par les Amis de l’Ecluse, l’association de protection de Caromb et l’association de sauvegarde du patrimoine de Caromb.

 

L’histoire du barrage

La naissance du lac du Paty au XVIIIe siècle
Depuis plusieurs siècles, la communauté de Caromb, qui faisait partie de l’état indépendant du Comtat Venaissin, possédait un réseau de canaux qui permettait d’alimenter à la fois l’irrigation de son territoire, mais également l’alimentation en énergie de plusieurs moulins communautaires. La source du Lauron, qui alimentait en eau ces canaux, était en étiage l’été, et ne permettait plus de satisfaire les besoins en eau de ce réseau de près de 13 km de long.

En 1762, l’idée de créer une retenue d’eau – on disait une écluse à l’époque – qui se remplirait en hiver et aiderait le réseau en été, est venue au premier consul de la communauté, M. Règne qui fit établir un premier projet de barrage au sortir du défilé des conférents, au pied de la montagne du Paty. Il dut pour cela demander l’autorisation au vice-légat d’Avignon, Grégoire Salvatti, qui administrait le Comtat pour le Pape resté à Rome.

Ce premier projet, établi par l’architecte carpentrassien Teyssier, ne donna pas satisfaction au vice-légat, qui envoya alors à Caromb son meilleur ingénieur, le père Morand, jésuite, au printemps 1763, pour examiner le site. Jean-Claude Morand, qui était en outre, à la fois professeur de mathématiques, excellent géomètre et directeur de l’observatoire astronomique d’Avignon, établit alors un nouveau projet de barrage, non plus au pied de la montagne du Paty, mais au débouché du torrent des Chaudeirolles, là où se situe l’actuel barrage.

Le projet du père Morand était beaucoup plus ambitieux que celui de Teyssier, permettant le stockage d’une quantité bien plus importante d’eau, mais également plus onéreux, puisque le devis passa de 36 000 à 60 000 livres. Le projet du père Morand fut accepté par la communauté et l’ouvrage fut mis aux enchères puis attribué, après plusieurs enchères infructueuses, à deux maçons associés pour cette exécution : Laurens d’Avignon, et Eymenier de Pernes. Les travaux commencèrent en juillet 1764 pour se terminer en 1766. L’ouvrage faisait alors 16.50 m de haut et la retenue contenait 123 000 m³.

Dès sa première mise en eau, des fuites apparurent, et les pertes par infiltration et par évaporation ayant été négligées, la retenue ne donna pas entière satisfaction aux utilisateurs. Il fut donc décidé de rehausser le barrage à 21.35 m, doublant ainsi le volume de retenue, ce qui fut fait de 1769 à 1773. C’était un record de France de hauteur pour un ouvrage en maçonnerie  à cette époque, record qui ne fut battu qu’en 1838 lors de la création du barrage de Grosbois. Les ouvriers avaient transportés sur le site environ 10500 tonnes de matériaux dans ce lieu très escarpé et très difficile d’accès (la route actuelle n’a été réalisée qu’à partir de 1945).

Un barrage exceptionnel pour l’époque
Une des caractéristiques exceptionnelles de ce barrage est qu’il a été équipé, dès sa conception par le père Morand, d’un ingénieux système de drainage interne, qui lui permet d’évacuer des fondations, les infiltrations d’eau (les sous-pressions) qui peuvent être dangereuses pour la stabilité d’un barrage. Le père Morand était un visionnaire, puisque le danger dû à ces sous-pressions ne fut mis en évidence que bien plus tard par l’ingénieur Maurice Lévy, vers 1895. L’Ecluse du Paty est le premier ouvrage en France, (et peut être aussi le tout premier au monde), à avoir été équipé d’un système de drainage, bien avant le barrage du lac d’Orédon,

Le barrage de Caromb, l’Ecluse du Paty, comme on l’appelle localement, n’est pas un barrage classique en « maçonnerie » (pierres de taille liaisonnées grâce à un coulis de chaux), comme il était d’usage de les construire à cette époque, ce qui a longtemps trompé les ingénieurs chargés de le vérifier au cours des 240 ans de son exploitation. Il s’agit en fait, d’un barrage en terre et en tout-venant, carrapaçoné de pierres de taille, donnant l’illusion d’un ouvrage entièrement en maçonnerie. Sa crête est déversante et il est équipé de deux prises d’eau étagées et d’une vanne de vidange de fond, et il est muni à sa base, d’une ingénieuse galerie de drainage voûtée, à plafond crépiné.

L’ouvrage a traversé les siècles sans trop de problèmes, bien que son entretien ait connu plus ou moins de sérieux, notamment lors de la révolution Française, où l’entretien fut négligé, période trouble où le Comtat Venaissin fut rattaché à la France. Le barrage de Caromb est le deuxième plus ancien «grand barrage » encore en service, après le barrage de Saint-Férréol et avant le barrage de Lampy qui alimentent tous deux le Canal du Midi. Il est inscrit au registre mondial des grands barrages.

Un oeil permanent sur le barrage
En 1974, la stabilité de l’Ecluse du Paty  fût mise en doute, et des travaux ont été entrepris, suite à une expertise de l’ingénieur Kern,  consistant principalement au blocage du pied aval par la création d’un confortement en béton. De gros travaux d’entretien ont été également réalisés, nécessitant la vidange complète de la retenue. Les vannes furent également remplacées par des vannes modernes commandées électriquement.

Dès 1988, les besoins en eau d’irrigation diminuèrent fortement sur la commune, et la retenue perdit sa vocation première, pour ne servir désormais plus que de plan d’eau de loisir, et pour la pêche. Toutefois, l’ouvrage permet d’être un intéressant amortisseur de crue en hiver, ce qui oblige les exploitants à laisser baisser le niveau pendant cette période, ou même à le faire diminuer artificiellement par manœuvre des vannes, si le niveau est trop haut en période dangereuse.

L’ouvrage, propriété de la commune de Caromb, est vérifié tous les ans, par les services de l’Etat, et une grande visite obligatoire, dite décennale est  organisé tous les dix ans. La dernière grande visite a eu lieu en 2003-2004, ce qui a nécessité la vidange complète de la  retenue, pour vérifier les organes mécaniques immergés ainsi que les parements habituellement noyés donc invisibles.

En 2003, le lac est vidé

Lors de cette grande visite, une expertise a été réalisée par l’ingénieur Goguel, et des carottages dans le corps de l’ouvrage ont permis de contrôler le bon fonctionnement du système de drainage. Une diagraphie Gamma a également permis de révéler au monde des ingénieurs la véritable composition de l’intérieur du corps du barrage, remplissage en tout venant complètement différent de ce qui était écrit dans les livres d’histoire sur ce barrage.La prise d’eau la plus basse, celle de vidange, a été modernisée et sécurisée à cette occasion.  Le barrage a été équipé de système d’enregistrements de données et de télémesure à distance pour contrôler en permanence les éléments nécessaires à une bonne exploitation.

Le feu vert pour la remise en eau fut donné  en 2004, en pleine sécheresse, et la retenue ne fut entièrement pleine qu’en décembre 2008, suite à une série d’années où la pluviosité était
malheureusement peu favorable. Désormais, la retenue a atteint un niveau correct, plus ou moins haut en fonction des saisons, des jeux de joutes nautiques ont été à nouveau organisés, et le plan d’eau fait le bonheur des promeneurs et des pêcheurs.